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Létalité, mortalité, surmortalité, R0, kappa : de quoi parle-t-on ?

Texte mis à jour le 2020-06-21


Apprenez ce que chacun de ces termes veut dire pour comprendre les risques associés à une infection par le coronavirus SARS-CoV-2 et la dynamique de propagation de la COVID-19.

Taux de létalité : risque de mourir de la COVID-19 pour une personne infectée par le SARS-CoV-2. Ce taux se calcule en divisant le nombre de personnes décédées de la COVID-19 par le nombre total de personnes infectées par le virus. Ce taux dépend de plusieurs facteurs notamment de l’âge, des conditions physiques et médicales (obésité, diabète, hypertension,immunodépression, …) et du sexe. Pour tout savoir sur l’estimation de la létalité de la COVID-19, voir Quel est le risque de mourir de la COVID-19 pour une personne infectée ?.

Taux de mortalité : risque de mourir à un temps donné. Ce taux se calcule en divisant le nombre de personnes décédées par le nombre total de personnes dans un territoire donné et sur une période définie.

Surmortalité : excès du nombre de décès par rapport à une période antérieure. Les données de mortalité du mois de mars et d’avril en France montrent une surmortalité par rapport à la même période en 2019. Même si tous les décès ne sont pas attribuables à la COVID-19, il est raisonnable d’estimer que la surmortalité est en grande partie due à cette maladie.

R0, nombre de reproduction de base ou taux de transmission initial du coronavirus : nombre de personnes contaminées en moyenne par une personne infectée par le SARS-CoV-2, dans une population qui n’a jamais été en contact auparavant avec ce coronavirus. Si le R0 est égal à 3 par exemple, cela signifie qu’une personne infectée par le coronavirus infectera en moyenne 3 personnes, et ces 3 personnes infecteront à leur tour 3 autres personnes. On aura donc une propagation rapide du virus. Si R0 est inférieur à 1, cela signifie qu’une personne infectée contaminera en moyenne moins d’une personne et qu’à terme l’épidémie s’éteindra. Plus le R0 est faible et plus il y a des chances que l’épidémie disparaisse rapidement. Le R0 permet aussi de calculer la proportion minimale de personnes au sein d’une population qui doit être immunisée pour que l’épidémie commence à décliner et disparaisse. En effet, une personne immunisée ne sera pas infectée et n’en infectera pas d’autres. Si suffisamment de personnes sont immunisées dans la population, un individu infecté contaminera alors en moyenne moins d’une personne. On parle dans ce cas d’immunité collective. Même si le concept du R0 est assez simple à comprendre, son estimation est complexe et varie énormément en fonction des études pour la COVID-19. Avant le confinement, les estimations de R0 variaient de 1,95 à 6,49. Si le R0 dépend de l’infectiosité du pathogène, il dépend aussi de la densité de la population et du comportement des individus. Pour en savoir plus sur comment faire baisser le taux de reproduction moyen ou R, voir Comment réussir le déconfinement ?.

R ou Re ou Rt, nombre de reproduction effectif ou taux de reproduction moyen : nombre de personnes contaminées en moyenne par une personne infectée par le SARS-CoV-2, à un moment donné.

Facteur de dispersion k (kappa) : paramètre qui mesure la variabilité du taux de reproduction au sein de la population. Quand k est élevé, le nombre de personnes contaminées par chaque individu infecté (infections secondaires) est à peu près le même pour tous les individus infectés : il s’agit de la situation constatée lors de l’épidémie de grippe espagnole en 1918. Au contraire, quand k est faible et proche de 0, le nombre de personnes contaminées par chaque individu infecté est très variable : la plupart des individus en infectent très peu d’autres, mais quelques uns en infectent beaucoup. L’épidémie tend alors à se propager par des événements dits de “super-propagation”, où une personne infectée transmet le virus à de nombreux contacts. Par exemple, lorsque k = 0,1 et R0 = 3, 73 % des personnes infectées contaminent moins d’une personne, alors que 6 % des personnes infectées vont contaminer plus de 8 personnes. L’épidémie progresse alors de manière discontinue, par foyers (en anglais, “clusters”). Ce mode de diffusion discontinue a été observé lors de l’épidémie de SRAS (R0 = 2 ; k = 0,16) et, à un moindre degré, celle de MERS (R0 = 0,6 ; k = 0,25). Il est encore trop tôt pour connaître avec certitude le k de la COVID-19 mais il serait autour de 0,1-0,4. Pour en savoir plus, voir Pourquoi les situations super-propagatrices sont-elles cruciales pour comprendre l’épidémie de COVID-19 ?


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Sources

Cette étude montre l’effet de l’âge, du diabète et de l’hypertension sur la sévérité de la COVID-19 et le taux de létalité de patients hospitalisés à New-York et ses environs.

Richardson, S., Hirsch, J. S., Narasimhan, M., Crawford, J. M., McGinn, T., Davidson, K. W., ... & Cookingham, J. (2020). Presenting characteristics, comorbidities, and outcomes among 5700 patients hospitalized with COVID-19 in the New York City area. Jama.

Cette étude montre l’effet du sexe sur la sévérité de la COVID-19 et le taux de létalité de patients chez les patients atteints de la COVID-19

Jin, J. M., Bai, P., He, W., Wu, F., Liu, X. F., Han, D. M., ... & Yang, J. K. (2020). Gender differences in patients with COVID-19: Focus on severity and mortality. Frontiers in Public Health, 8, 152.

Les données de Santé Publique France pour les semaines du 23 au 29 mars 2020 et du 30 mars au 5 avril, montrent que la mortalité toutes causes confondues au niveau national en France est significativement supérieure à la mortalité attendue sur cette période. Au niveau national, l’excès de mortalité est estimé respectivement à +16% et à +34%. Cette hausse de la mortalité toutes causes confondues est particulièrement marquée dans les régions Grand Est et Ile-de-France

Santé Publique France, Point épidémiologique hebdomadaire du 16 avril 2020

Les données de l’Observatoire Régional de Santé Ile de France (France) ont mis en évidence une surmortalité très importante dans le département de la Seine Saint Denis, avec la plus forte évolution de mortalité d’Ile de France par rapport à la même période de 2019 (+ 69,4 % entre le 1er et le 31 mars 2020 et + 118,4 % entre le 1er mars et le 10 avril 2020). En comparaison, la mortalité à Paris a augmenté de 89,8%. Dans ce département, le plus dense d’Ile de France mais aussi le plus pauvre, les logements sont souvent de surface réduite (pour 1/4 de la population de Seine Saint Denis, la surface par habitant est de 14m2 contre 17m2 à Paris) et occupés par des plus grandes familles (42,1% des logements sont occupés par 3 personnes et plus, contre 21,8% à Paris), rendant la distanciation sociale difficile à mettre en œuvre. C’est aussi dans ce département par rapport aux autres départements d’Ile de France que réside le plus grand nombre de travailleurs exposés à des situations à risque (agent hospitalier, aide-soignant, caissier, livreur) avec plus de déplacements que dans les autres départements (plus de 50% des habitants de le Seine Saint Denis travaillent dans un autre département, en comparaison les parisiens sont seulement 24,4% à travailler dans un autre département). Enfin, souvent en lien avec des conditions sociales difficiles, la prévalence de certaines pathologies (diabète, maladie chronique, surpoids) est plus importante que dans les autres départements. Les inégalités sociales et sanitaires dont souffre la Seine Saint Denis expliquent la surmortalité si élevée en Seine Saint-Denis en comparaison aux autres département d’Ile de France.

Mangeney, C., Bouscaren, N.,Telle-Lamberton, M., Saunal, A., Féron, V.La surmortalité durant l’épidémie de COVID-19 dans les départements franciliens, Observatoire régional de santé Ile de France, Avril 2020.

Des données sur la mortalité humaine sont disponibles a partir du site “human mortality project” (https://www.mortality.org/) qui révèlent des discordances entre les chiffres rapportés des victimes du COVID-19 et la surmortalité dans chaque pays. De nombreux journaux tels que The Economist ont decrit ces ecarts avec +10% reporte pour la Belgique, -5% pour la France, -40% pour les Pays Bas, -43% pour l’Autriche entre autres.

The Economist excess mortality database:

Les données de l’Office of National Statistics (ONS) du Royaume-Uni montrent des résultats similaires aux données françaises de l’Observatoire Régional de Santé Ile de France. La comparaison du taux de mortalité entre le 1er mars et le 17 avril 2020 dans les zones défavorisées en termes de salaire, emploi, santé, niveau d’éducation, environnement etc. et dans les zones favorisées montrent que le risque de mourir de la COVID-19 dans les zones défavorisées est 2,1 fois plus élevé que dans les zones favorisées.

Deaths involving COVID-19 by local area and socioeconomic deprivation: deaths occurring between 1 March and 17 April 2020, Office for National Statistics, 1 Mai 2020.

Etude qui compare les R0 des études publiées sur le SARS-CoV-2 avant la mise en place des mesures de confinement. Le R0 moyen est estimé à 3,28.

Liu, Y., Gayle, A. A., Wilder-Smith, A., & Rocklöv, J. (2020). The reproductive number of COVID-19 is higher compared to SARS coronavirus. Journal of travel medicine.

Une étude américaine estime que R0 était à 5.7 à Wuhan alors que son estimation était bien plus basse dans les petites villes européennes au début de l’épidémie.

Sanche, S., Lin, Y. T., Xu, C., Romero-Severson, E., Hengartner, N., & Ke, R. (2020). High Contagiousness and Rapid Spread of Severe Acute Respiratory Syndrome Coronavirus 2. Emerging Infectious Diseases, 26(7).

Etude épidémiologique sur la population du foyer ou “cluster” de l’Oise où de nombreux cas ont été infectés dans un lycée, estimant R0 à 3.3.

Salje, H., Kiem, C. T., Lefrancq, N., Courtejoie, N., Bosetti, P., Paireau, J., ... & Le Strat, Y. (2020). Estimating the burden of SARS-CoV-2 in France.

Une étude des foyers ou “clusters” à Hong-Kong (correspondant à 1037 personnes testées positives) effectuée en mai 2020 estime que 20% des cas de contamination sont responsables de 80% de la transmission locale. Les expositions sociales produisent plus de cas secondaires que les interactions familiales ou de travail. Le facteur de dispersion k est estimé à 0.45 (95% CI: 0.30-0.72).

Adam, D., Wu, P., Wong, J., Lau, E., Tsang, T., Cauchemez, S., ... & Cowling, B. (2020). Clustering and superspreading potential of severe acute respiratory syndrome coronavirus 2 (SARS-CoV-2) infections in Hong Kong. PREPRINT

Intérêt du facteur de dispersion kappa pour modéliser la dynamique de propagation de certaines maladies infectieuses. Le facteur de dispersion k pour le SARS avait été estimé à 0,16 (90% confidence interval 0.11–0.64).

Lloyd-Smith, J. O., Schreiber, S. J., Kopp, P. E., & Getz, W. M. (2005). Superspreading and the effect of individual variation on disease emergence. Nature, 438(7066), 355-359.

Explications simples en français sur le paramètre kappa et l'importance des situations super propagatrices.

Korsia-Meffre, S. (2020). COVID-19 : "La seule chose qui compte, c'est l'endroit où s'qu'elle tombe" ou comment éviter une éventuelle deuxième vague. Vidal

Une étude de l'université de Chicago montre que la COVID-19 se répand plus vite dans des villes où la densité des personnes est plus élevée.

Berman, M. G., Bettencourt, L. M., & Stier, A. J. (2020). COVID-19 attack rate increases with city size. MedRxiv. PREPRINT

Pour aller plus loin

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